Il m’est arrivé hier une étrange aventure. De ces aventures qui vous ouvrent les yeux et vous font prendre conscience qu'à l'insu de votre plein gré, vous avez progressé à pas de géants. Il m’est arrivé hier une très étrange aventure. De ces aventures qui vous bousculent et vous déstabilisent et vous poussent jusqu’à vous faire chuter dans un gouffre abyssal dont vous ignorez totalement s’il vous sera possible de survivre à l’ombre vertigineuse qui vous happe brutalement. Oui, je sais, ma perception de ce que je vis peut vous paraître pour le moins extrême, mais comment pourrais-je vous exprimer en d’autres mots mon vécu de l’anéantissement de ce que j’avais cru jusqu’alors être ma réalité. Je suis une abonnée de ce genre de crises existentielles, de celles-là mêmes qui permettent de grandir, d’évoluer vraiment puisqu’elles me mènent jusqu’à la transcendance de l’illusion à laquelle je m’étais identifiée jusque-là. Oui, ainsi est ma vie. Alors qu’une part de moi entretient une certaine forme de léthargie – comme il est si confortable de répéter inlassablement ses bonnes vieilles habitudes, aussi inadaptées soient-elles – voilà qu’une autre part qui me constitue, une part dont je devinais vaguement l’existence, atteignait un but que je n’aurais jamais imaginé être capable de toucher. Dès le XVIe siècle, le proverbe nous enseigne que « la nuit est mère de conseil » et voilà donc que la nuit dernière, j’ai dormi du sommeil du juste. Ce matin donc alors que le jour commençait à poindre et que la lumière perçait les nuages de la tumultueuse tempête de la veille, les paupières encore closes, l’évidence m’est apparue : j’avais progressé, j’avais traversé les ténèbres et atteint durant mon assoupissement – en empruntant inconsciemment je ne sais quel pont interdimensionnel – un objectif dont j’avais maintes et maintes fois rêvé et dont je m’étais tout autant maintes et maintes fois détourné, le croyant définitivement hors de ma portée. Mais avant de vous dire ce que j’ai atteint et afin de vous permettre de mieux comprendre mes propos, il me paraît utile de vous conter cette étrange aventure, celle qui plutôt que de m’anéantir m’a au final réveillée à une nouvelle étape de mon existence. Samedi 24 octobre 2020, je me connectais tôt le matin sur le réseau social connu de tous : Facebook. Ma navigation sur l’interface répond à un petit rituel que j’ai mis en place au fil du temps : je regarde tout d’abord les messages privés afin de répondre en priorité aux personnes qui souhaitent échanger avec moi de façon plus personnelle, ensuite je vois quelles sont les notifications qui ont été faites au sujet des articles et photos que j’ai posté la veille puis je lis les dernières activités sur les groupes auxquels je suis abonnée et pour finir, si l’envie me prend – et uniquement si l’envie me prend et que je n’ai rien d’autre à faire – je navigue sur le fil d’actualité. Hier donc, dans un groupe dont j’ai occulté le nom, je vois le post d’une auteure qui met en avant un article qu’elle a rédigé et dont le sujet est son expérience en tant qu’auteure autoéditée. Curieuse de ce genre d’histoire, je clique sur le lien. Il est toujours intéressant de s’intéresser au travail des « collègues », car confronter son point de vue à celui des autres permet d’apprendre et de progresser. Me voici alors redirigée vers le site internet de cette auteure. Et là… j’ai pris un choc en plein coeur ! Cela a été puissant, violent. Instantanément, mon sang s’est glacé dans mes veines, sans doute dans une intention purement physiologique de contenir la chaleur de la puissante colère que je sentais monter en moi. Il fallait que j’agisse, que j’expulse hors de moi cette énergie que je connais si bien : la colère. Depuis des années, j’ai appris à me connaître et je sais par conséquent que si je n’exprime pas d’une façon ou d’une autre les émotions qui me chamboulent, celles-ci vont s’accumuler jusqu’à déborder et l’expulsion sera alors synonyme de destruction. Une destruction générale, globale, dont les conséquences pourraient être dévastatrices pour moi, pour mon entourage, pour mes relations sociales. C’est qui je suis, c’est comme cela que je fonctionne, je n’ai pas pour habitude de faire dans la dentelle. Mais les habitudes sont faites pour être changées et avant donc d’en arriver là, il me fallait traiter cette colère afin qu’elle ne devienne pas maître en ma demeure, afin qu’elle ne dégénère définitivement pas en chaos. Ma raison tente alors de me raisonner, mais que peut la raison face à la puissance des émotions ? C’est se leurrer que de croire qu’une méditation peut contrôler sur le long terme des émotions non exprimées. Libération ! Il faut sortir la crasse pour commencer à y voir plus clair. Solution la plus simple : en parler à quelqu’un. Mais à qui ? Mon compagnon est encore couché et je ne souhaite pas le réveiller, surtout dans une telle ambiance. Les murs de l’appartement me connaissent un peu et ils frissonnent déjà d’effroi, les vieux livres compriment leurs pages dans un désir de se faire le plus discret possible, les crânes d’animaux et les statuettes se figent, les cristaux se ternissent, l’orage gronde. Un éclair viendra-t-il y mettre le feu ? La raison s’immisce entre deux respirations : "Rien de ton entourage immédiat n’est responsable de ce que tu vis et ressens, Marushka. Pourquoi donc alors déverserais-tu sur eux ton courroux ?" Mais la colère est là, bien décidée à ne pas céder une once de terrain : "Le déclencheur, c’est cette auteure, cette infâme copieuse qui a usurpé ton concept, qui s’est accaparé ton idée pour la faire sienne. Cette ignoble auteure en panne de créativité qui a très probablement découvert ton travail en novembre dernier, à Mons, au premier Salon du livre où tu t’étais exposée. Souviens-toi comme ton roll-up était beau et brillant et coloré. Il n’était pas passé inaperçu. Et toi non plus d’ailleurs, avec ta robe blanche de princesse, ton sourire rayonnant et tes yeux pétillants. Je t’avais dit qu’il ne fallait pas t’exposer de la sorte. Je t’avais dit que si tu te montrais, tu allais te faire voler ton travail, ce travail que tu as mis des années à faire émerger puis des heures, des jours, des semaines et des mois à réaliser dans la matière. Ce travail dans lequel tu t’étais totalement investie, dans lequel tu avais tout donné, ton coeur, tes tripes, ton âme." Je sens que je peux perdre pied à tout moment et je rédige avant qu’il ne soit trop tard un message à l’auteure en question. Un message poli, respectueux, et bien éduqué comme je sais les rédiger quand la colère n’a pas encore atteint son paroxysme. Mais voilà que la raison régresse à nouveau et la colère en profite pour gagner du terrain. Elle enfle et la voici presque prête à crier victoire. Elle enfonce le clou plus profondément et je sens jusqu’à ma chair gémir sous la torture : "À quoi bon créer ? À quoi bon partager tes idées ? À quoi bon offrir au monde les fruits de ton intuition ? Cela ne t’apporte rien, ne te rapporte rien. Les gens t’imitent, te copient, et gardent pour eux ce qu’ils en récoltent. Arrête de créer. Tu n’es pas faite pour créer, tu n’es douée que pour détruire." Hier, la journée m’a paru si longue et si dénuée de sens. Je me sentais impuissante, démunie et dévastée. Le soir, j’ai vu que l’auteure en question avait lu mon message, mais qu’elle s’était bien gardée d’y répondre. Je lui posais une question simple, mais j’imagine que répondre à cette question aurait été pour elle une reconnaissance avouée de son plagiat. "La nuit est mère de conseil" et en me levant ce matin, j’ai ouvert les yeux sur un aspect de mon existence que je connaissais déjà, mais auquel je n’avais jamais accordé de réelle importance. Initier... J’ai toujours su que j’étais une initiatrice, mais je n’ai jamais su que faire de ce constat. Initier... Et si c’était en cela que consistait l’art de la création ? Initier... Commencer quelque chose de nouveau, voire d’inédit et par cette forme justement inspirer peut-être l’humanité aujourd’hui et dans le futur. Et inspirer, n'est-ce pas aussi et surtout donner aux autres le pouvoir de créer à leur tour, à leur niveau, à leur façon ? "La nuit est mère de conseil" et en me levant ce matin, j’ai franchi un cap, j’ai dépassé une étape, je suis montée d’une marche sur l’escalier de ma vie. J’ai ouvert les yeux et j’ai vu ce que j’occultais jusque-là : hier encore, je créais et j’étais une auteure. Aujourd’hui, je crée toujours et mes créations génèrent maintenant un revenu suffisant pour que je puisse en vivre. Aujourd’hui, je peux alors déclarer dans un savant mélange de fierté et d’humilité que dorénavant, l’un de mes deux métiers est d’être écrivain. Aujourd’hui, je reconnais que j’écris, que je suis douée pour écrire et que j’aime passionnément écrire. Hier encore, j’étais L’AUTEURE CAMÉLÉON. Aujourd’hui, je suis L’ÉCRIVAIN CAMÉLÉON. Depuis mon réveil ce matin, je baigne dans un océan de GRATITUDE. © Marushka Tziroulnikoff – 25 octobre 2020
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